Visite du Pape - L’expérience d’une vie

Pour qui n’a jamais dépassé les frontières de sa province et encore moins mis les pieds dans une grande ville, il n’est pas exagéré de parler d’expérience inoubliable.


Combien de français catholiques ont vu leur vie basculer au cours de JMJ, d’une rencontre de Taizé, d’un voyage à Rome… C’est l’expérience unique des réunions de famille ; et quand la famille est nombreuse, la joie est immense ! Alors tâchons de nous mettre dans la peau de Nipopaj, Mukipaj, Pawapaj et tous les autres chefs chrétiens qui pour beaucoup n’ont jamais voyagé plus loin que Maesot… 


Certains s’inquiétaient : est-ce qu’on pourra y aller, bien qu’on ne parle pas thaï ? Est-ce qu’on peut porter nos vêtements karens ? Avant le départ, les sentiments étaient partagés entre l’excitation d’une expérience nouvelle et l’appréhension d’un voyage en terre inconnue. Pour d’autres plus jeunes qui ont déjà travaillé à Bangkok, ces questions ne se posent plus, mais la joie est la même. 

C’est donc avec un groupe de chefs chrétiens, sœurs, catéchiste et fidèles de la paroisse de Maetan que nous avons filé de nuit vers la capitale. 8 heures de route, 2 heures à tout casser de sommeil et une longue journée devant nous… Tout le monde est d’excellente humeur, sauf un qu’il est inutile de nommer, et qui raffole de ce type de rassemblement, ‘’mu bou ke si’’, sympa à en mourir, disent-ils de façon ironique. 

Les karens sont venus nombreux des provinces de Chiang Mai, Chiang Rai, Kanchanaburi et bien sûr du diocèse de Nahkon Sawan, particulièrement bien représenté, quantitativement et qualitativement… Expérience unique de retrouvailles de collègues chefs chrétiens, d’anciens catéchistes… tous réunis pour quelques heures par un pape dont ils entendent le nom à la messe et voient la photo dans l’église de leur village, mais qui reste assez indéfinissable, entre le saint et le super prêtre. Ils en parlent comme du « grand évêque qui vit chez les blancs ». 

Une journaliste de l’AFP est venue vivre l’évènement avec ce petit groupe ; elle cherche à connaitre leurs impressions : la sœur ou le catéchiste s’expriment sans problème sur ce qui les touche : le pape est comme un père spirituel, la famille de Dieu réunie, la foule immense des croyants…  il est plus difficile de savoir ce qui se passe dans le cœur des chefs chrétiens : la pudeur est généralement de mise lorsqu’on touche à l’intime de la foi et des sentiments. 

Des discussions du retour, il se dégage plusieurs impressions : la plupart des communautés chrétiennes de notre secteur sont minoritaires dans un monde bouddhiste et animiste ; la tendance générale, chez les jeunes en particulier, est plutôt à l’individualisme et l’indifférence religieuse… après des années fastes de conversions nombreuses, certains peuvent se sentir découragés. Ce rassemblement autour du pape leur a fait prendre conscience qu’ils étaient membres d’une grande famille, l’Eglise. Ils ont croisé des vietnamiens, des khmers, des occidentaux, évêques, sœurs, biens portants, malades… dans le bus du retour, plusieurs ont exprimé leur désir de participer à des rassemblements de chefs chrétiens tous secteurs confondus, comme cela se faisait auparavant.

Des enseignements du pape ils n’ont pas retenu grand-chose si ce n’est ce que la sœur karen a pu leur traduire. 

Au retour, après une nuit au petit séminaire de Nahkon sawan, nous avons célébré la messe à la cathédrale et pris un moment de recueillement sur la tombe des missionnaires qu’ils ont connu : pères Joseph Quintard et Joseph Guillou en particulier. 

Nous avons lu ensemble et partagé sur la parabole du semeur : ces missionnaires ont semé le grain de la parole de Dieu ; les champs fertiles sont leur village, leur communauté, leur propre cœur. Pour ces cultivateurs, nul besoin d’explication : ce groupe parti à la rencontre du pape a pour mission de cultiver cette terre et de la rendre fertile : 50 pour 1, 100 pour 1… c’est l’expérience qu’ils vivent comme chef chrétien depuis des années. 

Arrivée a Maetan vers 17h et retour au village ; les épouses m’ont informé qu’ils n’étaient rentrés qu’après minuit, après un arrêt-buffet-sans-doute-bien-arrosé, dans le village de l’un d’entre eux ; leur façon à eux de manifester la joie qui les a portés durant ces deux jours…