LES DEFIS

La zone géographique sur laquelle s’étende les Karens est immense : partagée entre la Birmanie et la Thaïlande. Les défis diffèrent selon les régions et ne sont pas les mêmes à Chiang Mai ou à Maetan. On retrouve toutefois des traits marquants et on peut distinguer plusieurs types d'enjeux pour les karens de la zone qui nous est confiée :


La globalisation : développement, individualisme, matérialisme


Les villages vivaient il y a peu en quasi-autosuffisance : riz, cueillette, chasse... Ils ont aujourd'hui besoin d’argent : pour l'école, la voiture, la maison : tout se paie. Certains ont planté du maïs et se sont endettés, d'autres partent massivement vers Bangkok ou ils travaillent dans les usines. Ils ne reviennent qu'une ou deux fois par ans, parfois jamais. Certains villages sont désertés par la tranche des 18-35 ans. Dès lors, pris dans le tourbillon de la mégalopole, que reste-t-il à ces jeunes de leur culture karen ? Lors des mariages ou des enterrements, seuls les plus âgés connaissent encore les chants traditionnels. Les jeunes sont plus enclins à écouter la pop thaï sur leurs téléphones... Les karens sont-ils condamnés à devenir des thaïs de seconde zone sans identité propre ? Et parler en ce sens de ''thailandisation'' serait faire injure à la culture thaï.
A nous, à travers la formation dispensée dans les centres notamment, de leur faire comprendre l'importance et la beauté de leur culture, tout en les aidant à s'intégrer pleinement dans la société contemporaine : usage intelligent des portables, ordinateurs, réseaux sociaux ; réflexions et débats sur l'argent, le mariage, le service des autres...


Deux jeunes du Centre Joseph Quintard vont animer la prière avec Pado Antoine dans un village Karen

L'évangélisation, joie et fragilité des communautés naissantes 


Le père Quintard a commencé l'évangélisation dans les secteurs de Maetowo, Panoipou et Maetan il y a une cinquantaine d'années. Mais un certain nombre de villages, secteur de Maetan en particulier, ne sont chrétiens que depuis une petite dizaine d'années. Dire que la foi y est fragile est une litote : peu de baptisés, même parmi les chefs chrétiens, savent prier et l'investissement des moines bouddhistes va croissant. Comment faire pour consolider la foi de ces communautés naissantes ? Aux missions bouddhistes s'ajoute un facteur mondialement répandu : le matérialisme. Les bienfaits du développement s'accompagnent de conséquences plus néfastes : la structure familiale est fragilisée par les départs en ville, l'éclatement des couples, le développement de l'individualisme. La foi dans les villages est essentiellement communautaire : on prie en groupe, à l'église comme à la maison. Donc une fois partis à Bangkok, rares sont ceux qui vont chercher une église où ils pourront vivre leur foi. Et s'il ne reste dans le village que les anciens et les enfants, il est légitime de se poser la question de l'avenir de l'église dans notre secteur. 
Comment y remédier ? En donnant la possibilité à certains de trouver du travail localement et limiter l'exode rural ; en les aidant à vivre la foi de manière plus personnelle ; en développant une pastorale d'ampleur pour les karens des grandes villes. 

Pado Antoine en visite dans un village karen avec des jeunes du Centre pendant la saison des pluies

Le centre Joseph Quintard est au cœur de ces enjeux 


Il accueille des lycéens et les prépare à leur entrée dans la société. Les élèves y reçoivent tout ce qui pourra contribuer à en faire des karens libres et fiables : qu'ils soient des repères dans leurs villages et dans l'église locale. La formation y est donc exigeante : cuisine, travail au potager, a la rizière, catéchèse, formation humaine, anglais, informatique...
Tous ne tiennent pas dans ce cadre et beaucoup préfèrent habiter les pensionnats du gouvernement, bouddhistes ou même louer des chambres. Les parents préfèreraient les voir chez nous mais n'osent pas entrer en conflit avec leur susceptible progéniture : ''kwa le k'caj'', en gros, comme il/elle veut... L'enjeu du centre est donc avant tout d'être rempli (quarante élèves en moyenne, on est à 32 actuellement) tout en gardant les exigences et la joie qui y sont nécessaires. 


Récolte du riz à la méthode Karen par les jeunes du Centre Joseph Quintard